ARMELLE
PENSER LE PRESENT
Parfois, il y a des mauvaises pensées qui me viennent, celles d’un passé déçu ou d’un futur incertain. Elles prennent toute la place. Tant de place que je n’arrive plus à penser au présent. Et puis, “penser au présent”, ça ne veut rien dire. Il ne faut pas le penser, le présent, mais le vivre.
J’essaie d’intellectualiser, de voir, de percevoir, de prendre des notes imaginaires sur ce que je suis en train de faire. J’analyse, j’interprète, je décompose, je dissèque, j’étudie. Bref, tout se passe dans mon cerveau quand tout devrait avoir lieu dans mon cœur.
Pire encore, parfois, le cerveau et le cœur se contredisent, se font la guerre. C’est à celui qui criera le plus fort, celui qui aura le plus d’arguments, celui qui finira par prendra le dessus. Alors, tout se mélange dans ma tête, les deux se chevauchent, se font taire l’un l’autre, sans que je ne comprenne plus rien, ni que je sache à qui faire confiance.
Après ça, le vide. Je suis perdue et fatiguée de cette bataille, en attente d’un signe qui me dirait quoi penser du présent, sans ne jamais retenir la leçon.
Et j’admire ces personnes qui sont ancrées dans l’immédiat, celles qui peuvent tout lâcher du jour au lendemain, celles qui vivent sur le fil, celles qui sentent que tout pourrait basculer en un claquement de doigts. Je les admire parce qu’elles font ce que je ne ferai sans doute jamais, parce qu’elles ont l’insouciance, la croyance en leur vie et la confiance en l’avenir que je n’aurais sans doute jamais.
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Au contraire, j’ai besoin de peser le pour et le contre, de prendre le temps, de l’imaginer, de le projeter. J’ai besoin de savoir que je fais des choix en conscience, d’avoir l’impression de ne pas le regretter.
C’est l’illusion du contrôle et du pouvoir. Du contrôle sur le présent et du pouvoir sur l’avenir. C’est faire semblant de savoir, d’être certain, de le vouloir.
Finalement, on ne sait jamais vraiment où l’on va et, pour savoir si l’on se trompe de chemin, il faudra toujours d’abord le prendre.